Le prix de la démocratie
Un livre de Julia Cagé, édtion Fayard
Julia Cagé est professeure d’économie à Sciences Po Paris.
Le site internet du livre.
Julia Cagé fait part des conclusions de ses propres recherches et de celles d’économistes, d’historiens, de juristes de plusieurs pays.
Les parties du livre
Le livre comprend trois parties :
- Quand les pauvres paient pour les riches
- Les occasions manquées
- Sauvons la démocratie ! Pour une refonte de la démocratie politique et sociale
Dès l’introduction, Julia Cagé fait le constat d’une diminution régulière des votes exprimées aux élections législatives en pourcentage des inscrits. La tendance existe pour tous les pays cités (Italie, France, Royaume-Uni, U.S.A.), elle traduit notamment un manque de confiance dans les élus et les partis politiques.
Les principaux constats
Il y a un financement public de la démocratie ; en France, par exemple, c’est le financement de l’organisation des élections, celle des partis politiques en fonction des résultats des élections, complété par les réductions d’impôt pour les cotisations aux partis politiques et les dons pour le financement des campagnes électorales. C’est le prix payé pour la démocratie, et il est normal de payer pour avoir un régime démocratique. Il y a aussi un financement privé, par des particuliers et par des entreprises selon les pays. Le financement public est parfois lié au financement privé.
Mais le financement public de la démocratie est mis en cause par des mouvements de pensée comme les libertariens ou le mouvement 5 étoiles en Italie, ce qui aurait pour conséquence de donner plus d’importance au financement privé.
Plus un candidat dépense pour sa campagne plus il a de chances d’être élu
Les résultats aux élections sont liées aux dépenses de campagne : plus un candidat dépense d’argent pour sa campagne, plus il a de chances d’être élu. Bien sûr, il n y a pas de certitudes, il s’agit d’une corrélation.
Les choix faits par les élus sont influencés par ceux qui les financent
Dans des pays comme l’Allemagne ou le Royaume-Uni, où le financement par les entreprises est possible, on constate que les positions prises par les partis, dont les partis de gauche, sont influencées par ce financement. Ceci explique la défense par tous les partis allemands des constructeurs automobiles et la quasi-disparition d’élus ouvriers au Royaume-Uni.
Les décisions prises par les élus dépendent de leur métier
Le métier des élus, avant leur mandat, influence les décisions politiques qu’ils prennent. S’ils viennent des classes populaires, ils seront plus enclins à voter des mesures sociales.
Les règles du financement public favorisent les contributions des riches
Le financement public est indispensable selon l’auteur, tout comme la limitation des dépenses de campagne. Encore faut-il qu’il y ait une égalité entre tous les citoyens sur les décisions de financement public. Le cas de l’Italie me paraît caricatural : le financement public a été supprimé pour les élections législatives de 2018, auparavant les contribuables pouvaient affecter 2 pour 1000 des impôts payés au parti de leur choix, ce qui favorise le financement des partis choisis par les plus riches.
En France, ce n’est pas mal non plus : ceux qui font des dons aux partis et aux candidats aux élections [1] donnent droit à une réduction d’impôt égale à 66% limitée à 20 % du revenu imposable. Le don est limité à 7 500 € par personne et 15 000 € par foyer fiscal, le don aux candidats est limité à 4 600 € par élection [2]. Cette réduction d’impôt ne bénéficie qu’à ceux qui paient des impôts, et ce sont les plus pauvres, qui financent le budget l’État par la TVA, qui financent de fait cette réduction d’impôts et donc le choix politique des riches. Emmanuel Macron a bien profité de ces dons des riches et donc du financement public qui lui ont permis d’être celui des candidats qui a le plus dépensé pour sa campagne. Notons qu’en France les dons des entreprises sont interdits et que les dépenses de campagne électorale sont limitées par la loi.
Les propositions de Julia Cagé
Julia Cagé fait des propositions concrètes, à appliquer dans tous les pays d’Europe, je suis étonné qu’elles ne soient pas reprises par des partis politiques, dont voici les principales dispositions :
- financer les partis politiques par des Bons pour l’Égalité Démocratique : chaque citoyen indique au moment de sa déclaration d’impôt, qu’il soit ou non imposable, à quel parti ou mouvement politique il affecte les 7 € d’argent public (soit le financement public actuel par citoyen), permettant ainsi de financer des mouvements ou partis sans attendre qu’ils aient des élus, facilitant ainsi le renouvellement politique
- interdire le financement par les entreprises dans les pays où c’est actuellement permis et limiter beaucoup plus fortement les dons des particuliers (par exemple limiter à 200 €)
- modifier la composition de l’Assemblée Nationale : réserver un tiers des sièges à des « représentants sociaux » élus à la proportionnelle sur des listes représentatives de la réalité socioprofessionnelle de la population
Ces propositions devraient bien sûr faire l’objet d’un débat démocratique pour les discuter, les préciser et les amender. Peut-être une assemblée constitutionnelle serait une bonne instance pour en discuter.
Le livre comprend bien d’autres informations intéressantes. Les occasions manquées font état d’expériences avortées qui ont duré suffisamment longtemps pour en tirer des leçons. Certains travaux de recherche aident à comprendre comment et pourquoi les électeurs votent contre leurs intérêts.